Cahiers de doléances

Le Cahier de doléances est un document dans lequel était écrit les souhaits, les récriminations, les voeux…
Cet usage remonte au 14ème siècle.
Les plus notoires restent ceux écrits en 1789.

Vous trouverez ci-dessous un Cahier de Doléance écrit à Cheppy (5 pages)

Cahier de doléances page 1

Cahier de doléances page 1Une page d’histoire

A la fin de l’hiver 1789, dans chaque village de France, on rédigea un « cahier de doléances »où s’exprimaient les plaintes des paysans et toutes les réformes qu’ils désiraient.
Le 08 mars 1789, à deux heures de l’après-midi, les habitants de Chepy se réunirent « en la maison curiale pour tenir l’assemblée ». Le cahier fut porté aux Etats de la province assemblés à Châlons le 12 mars 1789 par deux députés : le président Pierre Le Maire et Maurice Frison.

Voici une première pas de ce cahier avec une transcription plus lisible.

Quelle brillante aurore d’un jour si longtemps attendu vient frapper nos yeux ! Un autre Henri IV, un second Louis XIII, en un mot, le père du peuple, convoque les Etats Généraux et veut bien porter une oreille favorable aux plaintes de ses peuples.

Nous avions lieu de regretter l’ancienne servitude et l’esclavage qui régnait en France avant Louis IX puisqu’alors les maîtres étaient chargés de la nourriture, du vêtement des serfs et de les soulager dans leurs maladies au lieu que la prétendue liberté que les communes avaient achetée à prix d’argent nous a occasionné une multitude d’impôts sous le poids desquels nous sommes accablés ; la seule énumération de ces impôts étonnera Sa Majesté et son coeur paternel sera attendri à la vue de la détresse où leur multitude doit nécessairement jeter son peuple.

On distingue la taille (1) en taille réelle, taille personnelle, taille de propriété, taille d’exploitation, taille pour la confection et la réparation des chemins publics, taille pour la paye et le logement de la maréchaussée, taille pour la conduite des équipages des troupes quand elles changent de garnison, taille pour l’habillement des milices, taille pour le logement et l’entretien des vagabonds dans les maisons de force, etc… ajoutez l’industrie, la capitation (1) les dixièmes (1) et vingtièmes (1) ; or, que reste-t’il aux cultivateurs après tous ces droits levés ? Ce qui occasionne la surcharge des cultivateurs, c’est qu’ils se trouvent seuls chargés de payer la taille de propriété et d’exploitation parce que n’étant que fermiers, les maîtres ou propriétaire de…

(1) Il s’agit d’impôts directs. La noblesse et le clergé en sont exempts.

Cahier de doléances page 2

Cahier de doléances page 2…ces fermes, soit par leurs privilèges, soit en qualité de bourgeois de Châlons sont exempts de payer la taille de propriété ; encore si ces tailles étaient imposées avec égalité ; mais le commissaire qui vient recevoir les déclarations fait en un jour six à sept paroisses et, par conséquent, n’écoute pas les plaintes du pauvre contribuable, faute de temps.

La taille pour les corvées est plus onéreuse pour les cultivateurs que l’orsqu’ils faisaient par eux-même les travaux des-dites corvées. Celle pour la nourriture des vagabonds n’est pas moins à charge puisque nos villages sont surchargés d’un nombre infini de pauvres qui viennent enlever le pain des pauvres des campagnes par leur importunité et même leurs menaces. Celle pour l’entretien des maréchaussées ne pourraient-elle pas être supprimée et charger les troupes de la garde des chemins, de la confection des chemins ? Chez les Romains, les lésions ne s’amollissaient pas dans le séjour des villes ; on les employait à la garde des routes et à leurs réparations ainsi qu’aux fortifications des villes.

On pourrait supprimer celle pour l’entretien des milices (2) et même supprimer la levée par sort des miliciens comme à charge aux paroisses, pernicieuse aux campagnes, et surtout choisir un autre temps que celui des semailles pour tirer la milice.

Si l’établissement concernant les troupes fait par un dernier roi de Prusse avait lieu en France, nos troupes ne s’amolliraient point dans les garnisons et on pourrait diminuer les tailles ; si quelqu’accident d’en haut, d’est à dire la grêle, l’inondation ou le feu dévaste une contrée, alors la taille de ce pays est rejetée sur d’autres paroisses voisines et par ce …

(2) milice : sorte de service militaire modéré (un homme par paroisse tiré au sort, s’exerçant quelques jours par an, rarement utilisé en cas de guerre)

Cahier de doléances page 3

Cahier de doléances page 3…moyen ce sont deux pays ruinés au lieu d’un.
Il y a 20 ans, on visait gratuitement à la subdélégation les comptes dressés par nos syndics ; à présent on prend le sol pour livre et six deniers pour livre par chacun desdits comptes pour M. le Subdélégué et son secrétaire.

Quelles plaintes n’avons nous pas à former contre le génie et les vexations des ingénieurs quand il s’agit des réparations des églises et presbytères.

Les aides (*) ne sont pas moins pour nous une source de calamités par les procès injustes, en exigeant des droits pour le trop bu, en tyrannisant les pauvres colons.

Les gabelles (*) ne méritent pas moins notre réclamation sur le prix excessif du sel qui est de la première nécessité, sur l’obligation d’en lever une certaine quantité par famille, sur l’inexactitude à le mesurer de façon qu’un quart devrait peser 25 livres et, bien souvent, il ne s’en trouve que 22 livres en comptant même les pierres et le mortier qui s’y trouvent mêlés parmi ; les officiers de la justice des greniers à sel devraient pourvoir à ces défauts mais comme ils ont part au reliquat de sel ils ferment les yeux à ces injustices. Nous demandons que l’heure de la livraison, en hiver, commence à dix heures du matin pour donner le temps aux habitants de la campagne de s’en retourner.

Nous demandons que l’ancien usage des dîmes soit rétabli c’est à dire qu’elles soient employées au soulagement des pauvres de la paroisse, à la confection et aux réparations des églises et presbytères et non pas à entretenir les fastes du clergé du premier ordre.

Nous demandons qu’il y ait un seul impôt qui soit personnel et non territorial c’est à dire que les plus pauvres paieront 3 livres les manouvriers 6 livres les laboureurs (*) d’une demi charrue 12 livres, ceux de trois quarts de charrue 18 livres, ceux d’une charrue (*) 24 livres.

Les aides : ensemble d’impôts indirects perçus généralement sur la consommation des boissons ; très impopulaires par leur caractère tracassier et les contrôles qu’ils impliquaient.

La gabelle : taxe sur le sel, un impôt de consommation qui apparaît intolérable.

Laboureur : ce vieux mot désigne un paysan possesseur d’une charrue et des animaux de trait nécessaires à son usage.

Charrue : c’est la quantité de terre qu’une charrue peut mettre en valeur ; superficie variable selon les provinces et les sols ( entre 10 et 20 ha ), d’où l’expression surprenante de paysan d’une demi charrue, de trois quarts de charrue…

Cahier de doléances page 4

Cahier de doléances page 4Nous demandons qu’il n’y ait qu’une coutume en France, qu’une mesure, qu’un poids et que chaque province ait un tribunal qui juge en dernier ressort de toutes les affaires. (*)

Nous demandons qu’il soit ordonné aux seigneurs de ne pas laisser trop multiplier le gibier sur leurs terres au détriment de l’agriculture et que les lois concernant la chasse soient plus exactement observées. (*)

Nous demandons la suppression de tous les impôts, celle des aides, la réforme des contrôles, la suppression des gabelles, celle des fermiers généraux et du génie.

Nous demandons enfin que le sort de M.M. les curés soit amélioré afin qu’ils soient à même de soulager les pauvres de leurs paroisses et de s’acquitter des fonctions de leur ministère gratuitement et sans aucune rétribution.

Au surplus, telle est la masse des impôts que supporte la paroisse de Chepy qu’il lui est impossible de contribuer aux besoins de l’Etat par le paiement de sommes plus considérables que celles auxquelles elle est assujettie.

Le journel de terre est réputé produire un revenu de 4 livres et cette évaluation porte ses impositions à des sommes exorbitantes et qui excèdent d’environ moitié les contributions des villages voisins dont le sol est au moins d’une valeur égale à celui de Chepy. Le seul moyen de subvenir à la dette de l’Etat est donc de saper tous ces privilèges, fruits de l’abus ou de l’usurpation ou qui, tels ceux de la noblesse, sont actuellement dépourvus de la cause qui les avait déterminés ; en un mot, il était juste, avant que les armées ne fussent soudoyées, que les gentilhommes qui allaient en personne à la guerre…

(*) Demande d’unification des poids et mesures.

(*) Le droit de chasse des seigneurs apparaît comme une cause d’entraves excessives ; c’est le droit le plus envié par les paysans. (qui en réalité braconnaient beaucoup)

Cahier de doléances page 5

Cahier de doléances page 5… et qui y menaient leurs vassaux à leurs frais jouissent des privilèges quelconques mais aujourd’hui que le gentilhomme est payé lorsqu’il sert l’état, il est juste qu’il contribue ainsi que le clergé et le tiers-état à la dette de l’état et qu’en supprimant jusqu’au nom de tous les impôts actuels qui grèvent le tiers-état, il soit établi un seul et unique impôt qui se perçoive dans le lieu même où résident les propriétés. Fait, arrêté en l’assemblée de Chepy tenus le 8 mars 1789 par devant M. le bailli de la justice de Chepy.

Suivent 23 signatures :

Jean MORET Antoine MORET Bernard SIMON Bernard VALLERE François DROUIN Joseph GILSON DEBEURY Jean-Baptiste VALLERE Louis GILLET Maurice FRISON Pierre CHARLOPIN Pierre DESPORTE Pierre MORET ( l’aîné) Pierre MORET Thomas PERJOIE Joseph ROYER Jean-Baptiste LORINET Jean VALLERE François GILSON Nicolas MALET André MORET François DESPORTE LE MAIRE

Analyse du procès-verbal

Le village de Chepy était composé de 50 feux.

Le 8 mars 1789, à deux heures de l’après-midi les habitants se réunirent “en la maison curiale de Chepy pour tenir l’assemblée” sous la présidence de Pierre Le Maire avocat au parlement, bailli de la justice seigneuriale de Chepy.

Le cahier fut porté aux Etats de la province assemblés à Châlons le 12 mars 1789 par 2 députés : le président Pierre LE MAIRE et Maurice FRISON.

POPULATION

Au dénombrement de 1773 :

47 feux roturiers et 1 ecclésiastique

78 hommes, 80 femmes, 15 garçons et 15 filles soit 188 habitants.

REVENUS

En 1789, les revenus de Chepy étaient maigres :

“La pêche appelée de La Gravelle et des fossés loués annuellement 15 livres ; des terres labourables louées 89 livres 10 sols et quelques broussailles louées 21 livres 5 sols ; au total 125 livres 15 sols de revenus annuels”

Pour aider la comparaison avec notre époque : le salaire journalier d’un manouvrier était d’environ 20 sols( la livre de pain coûtait de 1 à 2 sols)

1 livre = 20 sols 1 sol = 12 deniers